Dis-moi qui te dirige, je te dirai qui tu es

Henry de Montherlant disait que « l’intelligence est un délit quand la bêtise gouverne ». Alors que faire d’une société qui choisit d’ériger la bêtise en norme et de la hisser sur un piédestal ? Un peuple, dans une société démocratique, a le gouvernement qu’il mérite, dixit Montesquieu. S’il faut  que l’on adhère à cette pensée, nous devrions avoir honte de nous-mêmes avec notre présidence à sept têtes et deux appendices. Il y a lieu de parler de choix en dépit des manipulations externes, notamment de la part des États-Unis, de la France et du Canada. En tout cas, lorsqu’on parle de démocratie dans cette République, tout le monde sait que c’est d’une démocratie à l’haïtienne qu’il s’agit. Une démocratie oscillant entre le macoutisme duvaliérien et le chimérisme aristidien. Pour soulager tant soit peu notre conscience, on regarde dans le rétroviseur en disant : « la dictature était meilleure » car elle préservait tant soit peu l’ordre national. Nous avons demandé la démocratie, voyons le résultat ! En 2012 nous avons crié, à bout de souffle : « Ah donne-nous notre vakabon, nous avons marre des politiciens à vestons, des intellectuels. » Les démocrates d’aujourd’hui, n’ont pas besoin de philosophes !

Dans son dernier numéro, Le Nouvel informateur projetais les regards sur la nature corrompue de la plupart des Haïtiens (et cette catégorie semble majoritaire!) indexant le fait que, une fois au pouvoir, ce penchant prend le dessus, se constituant en un véritable atavisme. On dirait que tous les dirigeants du pays et de la plupart des institutions d’État, depuis toujours, sont corrompus. C’est d’ailleurs le rideau de fer qui a bloqué la marche du fondateur de la Nation.

L’indépendance, dont on réclame aujourd’hui la restitution de la dette, a permis de découvrir cette seconde nature de l’homo haïtianicus. Ce qui fait supposer que l’ancien esclave, reste esclave de son passé ; qu’il existerait le gêne de la corruption dans son ADN ancestral et historique. Pour parodier Aristote traitant de la nature humaine, on pourrait tout autant arguer que l’Haïtien est un animal corrompu. Un étranger reprenant cette allégation risquerait de se faire traiter de raciste et se verrait renvoyer à la thèse d’Anténor Firmin en réplique à celle de Gobineau.

L’Haïtien alors serait-il plus corrompu que son voisin Dominicain qui est en train de le chasser sur son sol ou que son ancien maître Français qui lui a fait payer la rançon ? Sans risque de se tromper, la réponse est non, car, outre le fait que les hommes soient les mêmes partout, le problème de la corruption des Haïtiens n’est pas génétique. Il est, comme nous l’avions signalé, culturel. C’est un legs du temps. Ce qui la fait fructifier chez nous qu’ailleurs, c’est que « sur la terre de Dessalines » la corruption est la règle, l’honnêteté, l’exception. C’est d’autant plus vrai que dans ce système, l’honnête homme est ridiculisé et détesté. Parfois même par les siens.

Les chances de tomber sur un second cas Raoul Pierre-Louis sont de l’ordre de un pour mille. Il suffit de regarder le traitement qui a été fait du dossier et tout le monde comprendra. Comme dans « Les animaux malades de la peste », la victime du scénario c’est celui qui a dit la vérité. Ses proches doivent le traiter d’idiot. Il aurait pu jongler pour garder son poste et se la couler douce. Il a ignoré le credo haïtien : « byen jwe se jwe pou genyen

Les autorités les plus haut placées du pays n’ont pas agi en faveur du dénonciateur. Il ne faut pas encourager une telle tendance. Lors des élections contestées de 2016, un député à qui la victoire a été ravie au profit d’un autre est allé se plaindre dans la presse. Il avait avoué avoir accepté de verser un gros pot de vin à un Conseiller électoral qui lui avait promis de renverser la situation en sa faveur. Se voyant victime d’escroquerie, il a provoqué un scandale. Les autorités d’alors l’ont menacé d’arrestation sans tenir compte de l’action posée par le Conseiller corrompu. Il a été intimidé et contraint de se taire !

« Vous êtes tous des parlementaires à partir du moment où vous vous êtes trouvés ici » a déclaré le président Privert devant l’Assemblée nationale, en guise de réponse aux protestations contre les mal élus. Au final, le dossier a été classé. Le mot d’ordre en cas de corruption majeure est : « Kase fèy kouvri sa » ou bien « Les linges sales se lavent en famille » puisque la logique de la corruption veut qu’il vaille mieux éviter de scandaliser le mouton noir aujourd’hui afin de ne pas avoir à faire connaître le même sort au mouton blanc demain. Au nom de ces anti-vertus, M. Pierre-Louis est jugé coupable. Il a été obligé de fuir la terre fragile (tè glise) d’Haïti pour éviter le pire. Comme dans le cas de Caïn, il devra désormais vivre en errance de peur d’être croisé par un vengeur de la race.

Ce pays encourage tellement à mal faire que même les criminels, les kidnappeurs, les assassins se permettent de faire la leçon à la société. Barbecue, par exemple, juge tout le monde. La police, les journalistes, les politiciens, personne n’est épargné sous sa double glaive : l’épée et le jugement moral. A-t-il raison ou tort ? Le Christ dirait : « Que celui qui n’est pas criminel jette la première pierre. » Et les bandits à veste en premier lieu se mettraient à défiler à toute allure la tête baissée. Parmi eux : des anciens parlementaires, des anciens présidents, des figures respectées de la bourgeoisie et de la classe moyenne, des Blancs en poste en Haïti ; évidemment des journalistes, des politiciens, des pasteurs, des avocats, des Haïtiens de la diaspora, des policiers ….

La présidence du Conseil dit de Transition est passée d’Edgard Leblanc à Leslie Voltaire. En laissant son poste le Chef d’État sortant a averti qu’il n’était pas d’avis que le corps adopte la résolution de maintenir les Conseillers déclarés corrompus à leur poste. La majorité en a décidé autrement. Une gifle de plus à la dignité nationale. Un acte de plus pour provoquer l’irrespect de l’Homme haïtien tant chez lui qu’à l’étranger. Monsieur Voltaire préside un Conseil de corrompus et de complices de corruption. Pour cause, Edgard Leblanc n’y met plus les pieds après avoir laissé le fauteuil au profit de Leslie Voltaire.

L’inventaire depuis 1986 est accablant. Nous avons perdu nos ressources matérielles (cultures, usines, manufacture, entreprises de productions…) ; nous avons perdu nos ressources financières (chute exponentielle de la monnaie nationale, banques en faillite …) et humaines : (fuite massive de cerveaux et de bras, nivellement par le bas…), nous avons perdu nos vies (des centaines de milliers de personnes tuées). Maintenant, voilà que nous voyons notre âme partir avec nos ressources.

On pouvait tout reconstruire si nous n’étions pas nous-mêmes l’artisan de ces malheurs. D’autres peuples, aujourd’hui prospères, sont passés par-là. Dans la Caraïbe, plusieurs régions ont été dévastées pas des ouragans qui nous ont épargnés. Nous ne sommes pas les plus mal lotis. Si nous accusons les Blancs de nous avoir dépouillés de nos richesses, nous avons de nous-mêmes choisi de renverser les valeurs. À regarder le comportement de ceux qui sont en vue, on dirait que, pour une grande partie, l’Haïtien d’aujourd’hui est une personne sans personnalité. Nous n'avons plus de respect ni pour nous-mêmes ni pour les autres et nous avons créé nos gouvernements à notre image et à notre ressemblance. Voilà pourquoi les autres nous rejettent.

Dr. Robert Arisma

arismarobert100@yahoo.fr.

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